Témoignage de Madame Jacquy, directrice de l'école de Tilly, où est scolarisé Bastien:

Il ne faut pas se voiler la face, l'annonce de l'arrivée future d'un petit bonhomme déficient visuel en classe d'accueil fait assez peur et suscite énormément de questions :

  • Que voit-il vraiment ?

  • Faudra-t-il adapter la classe, les couloirs, la salle de psychomotricité, les cours de récréation… ?

  • Pourra-t-il évoluer comme les autres enfants au sein du groupe ou devra-t-on lui interdire certaines choses ?

  • L'enseignante devra-t-elle adapter sa manière de travailler en classe de manière drastique ?

  • Aura-t-il besoin d'un matériel adapté ?

  • Comment se passera son intégration avec les autres petits loulous ?

  • Devra-t-on en parler avec les autres familles ou pas ?

  • Vers qui se tourner si nous avons des questions ?

  • Sera-t-il aidé par une tierce personne ?

  • Sa déficience va-t-elle évoluer ?

  • Et ? Et ? Et… ?

L'inconnu fait peur donc et l'équipe éducative, bien que de bonne volonté, appréhendait ce moment où Bastien serait élève au sein de l'école…

Mais fort heureusement, une première réunion bienveillante a été organisée, regroupant les parents, les enseignantes et puéricultrice de maternelle, des responsables prenant en charge Bastien (Triangle Wallonie…) et la direction.

Nous avons pu y découvrir la maladie de Bastien, mieux la comprendre, y entendre des témoignages rassurants quant à l'encadrement à prodiguer, sentir un soutien réel tant de la famille que des personnes aidantes envers notre équipe…

Nous avons, par la suite, pu nous mettre à la place de Bastien afin de nous rendre compte de ce qu'il voyait vraiment et des incontournables pour lesquels une attention devait être présente au quotidien (changement de locaux, escaliers, luminosité, soleil dans la cour, couleurs, etc.°).

Après quelques semaines, les enseignantes et la puéricultrice ont pu se rassurer : tout se déroulait assez correctement et le fait de se savoir épaulées et écoutées au besoin renforçait l'idée que nous agissions dans le bon sens.

Chaque année terminée était une victoire gratifiante tant pout Bastien que pour la famille ou l'école ! Le but commun était que ce bonhomme hyper volontaire évolue.

Avec l'approche du primaire, la question d'une intégration via enseignement spécialisé s'est bien évidemment posée. A cette époque, les démarches étaient encore possibles et c'est donc ainsi que Bastien a pu bénéficier d'une aide supplémentaire en classe à raison de quelques périodes par semaine. L'enseignante du spécialisé aidait non seulement Bastien mais également l'enseignante dans ses activités (co-enseignement en classe, concertations sur les aménagements…).

Des réunions avec l'intégration, notre cpms, l'enseignante concernée, les parents, Triangle Wallonie et la direction ont eu lieu de manière régulière tout au long de l'année, permettant de faire le point sur où en était Bastien, quels aménagements devaient être maintenus ou modifiés voire supprimés. C'était également le lieu où chacun pouvait déposer ses observations, questions, craintes.

Bastien est aussi passé sur télé-loupe : chaque enseignante, au fil des années, s'y est « formée », a adapté sa manière d'évoluer en classe (par exemple en faisant attention à se placer de manière que Bastien puisse voir ses lèvres), a adapté ses supports si nécessaire, a proposé certains matériels ou en a découvert d'autres via l'intégration et Triangle Wallonie.

Avec la réforme de l'enseignement, Bastien (en raison de ses besoins sensori-moteurs) a pu bénéficier du soutien d'un pôle territorial.

Actuellement, tout évolue sereinement tant pour Bastien que pour l'équipe éducative. Les enseignantes ont pu bénéficier non seulement des aménagements mis en place par les collègues précédentes ainsi que de leurs témoignages rassurants mais aussi de l'aide des parents et de toutes les personnes agissant au bénéfice de cet enfant.

Bastien grandit et a son petit caractère bien trempé : il est autonome, volontaire et indique clairement si certains outils proposés lui conviennent ou pas. Il participe à toutes les activités comme un autre enfant. Il est actuellement en quatrième primaire. Et nous sommes tous heureux de ses progrès.

Si tout se déroule sereinement pour lui, c'est grâce à toutes ces forces mises en commun de la part des parents, des enseignantes et des personnes accompagnant la famille, Bastien et l'école. Et surtout l'envie d'y croire !

« Tout groupe humain prend sa richesse dans la communication, l'entraide et la solidarité visant à un but commun : l'épanouissement de chacun dans le respect des différences » Françoise Dolto

Mon aniridie - sur un aire de Moustaki "Ma liberté"

Par Mathilde Goderniaux

Mon aniridie,

Toujours je te garderai

Comme une pathologie rare

Mon aniridie,

C'est toi qui m'as légué

Un combat sans relâche

Pour me faire accepter, pour être intégré jusqu'au bout de mes rêves de fortune 

Pour regarder, en rêvant, mon avenir dans le vent sous un rayon de lune

Mon aniridie, 

Devant ta faible acuité 

Mon âme reste authentique 

Mon aniridie,

Je dois tout te donner 

Même au-delà de la fatigue 

Et combien j'ai souffert 

Pour pouvoir satisfaire tes maladies incessantes 

Je ne peux pas partir loin d'ici, j'ai très peu d'amis pour supporter tes exigences.

Mon aniridie, 

Tu as su m'apporter 

La force et le courage 

Mon aniridie, 

Avec toi j'ai forgé 

Une sensibilité indéfinissable 

Toi qui me fait sourire 

Quand j'arrive à réussir un défi quotidien

Toi qui m'as fait grandir dans mon autonomie pour soigner mes chagrins.

Mon aniridie, 

Pourtant je t'ai négligé 

Pendant quelques périodes 

J'ai décidé d'oublier les chemins écharpés 

Que nous endurons ensemble 

Lorsque sans me méfier 

Mes espoirs et mon cœur liés, je me suis laissé prendre 

Et je me suis évadé pour un nouveau monde et sa délivrance

Et je me suis évadé pour créer mon soleil et ses rayons de bienveillance

Mathilde Goderniaux

Namur, le 21 juin 2023